Le politologue Nabil Ennasri, mis en examen dans une affaire d’ingérence étrangère présumée en France, est soupçonné d’avoir touché près de 300.000 euros d’une commission gouvernementale qatarie, notamment pour corrompre l’ex-député français Hubert Julien-Laferrière, selon des éléments de l’enquête dont l’AFP a eu connaissance mercredi. Les deux hommes, corrupteur et corrompu présumés, nient vigoureusement les accusations. Nabil Ennasri, 42 ans, mis en examen et écroué depuis un an, est soupçonné d’avoir été l’agent d’influence de la monarchie qatarie pour influencer la politique et l’actualité françaises.
La commission qatarie, désormais dans le viseur des juges d’instruction de la galerie financière du tribunal de Paris, s’appelle National Human Rights Committee (NHCR).
Lors d’un interrogatoire le 27 septembre dont l’AFP a eu connaissance, le juge a confronté M. Ennasri à des notes enregistrées sur son téléphone, entre 2021 et 2023, qui attestaient d’un paiement de 277.500 euros de la NHCR. Ces notes laissent « entendre qu’une entité qatarie a pu vous rémunérer », a fait remarquer le magistrat.
« J’ai le souvenir d’un montant de cet ordre-là », a reconnu Nabil Ennasri, mais il lui a été versé par un homme sans lien avec le Qatar, a-t-il assuré.
M. Ennasri aurait-il pu être financé par le Qatar, à son insu ? « Improbable voire impossible », assure le suspect, auteur de plusieurs ouvrages sur ce pays: jamais cet Etat ne l’aurait rémunéré alors qu’il avait déjà critiqué sa politique.
C’est « classique en matière de désinformation de justement tenir des propos négatifs à l’endroit des personnes dont on soutient les intérêts », lui a rétorqué le magistrat.
Le politologue est soupçonné, d’une part, d’avoir, avec le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, corrompu l’ex-journaliste vedette de BFMTV Rachid M’Barki, également mis en examen, pour diffuser à la télévision des brèves controversées sur des pays étrangers.
Et d’autre part, d’avoir corrompu l’ancien député écologiste Hubert Julien-Laferrière, à hauteur de 5.000 euros par mois, selon les derniers éléments de l’enquête.
Jean-Pierre Duthion, aussi mis en examen, a expliqué au magistrat instructeur qu’il s’agissait pour le Qatar de « générer des contre-feux médiatiques en amont de la Coupe du Monde du football ».
Il a confié au magistrat avoir eu des précisions sur « les commanditaires des opérations d’influence ». M. Ennasri lui aurait dit que ces commanditaires étaient « des Algériens et des Franco-Algériens », mais avec une « tête de réseau qatarie ». Des propos que M. Ennasri nie avoir tenus.
Ces nouveaux éléments nourrissent l’hypothèse de commanditaires qataris, dans un dossier où, pour le moment, la justice avait seulement identifié les intermédiaires présumés.
Les avocats de la défense n’étaient pas joignables dans l’immédiat ou n’ont pas souhaité s’exprimer.