En 2012, lorsqu’un Macky Sall fraîchement élu président de la République décidait d’écraser l’opposition et, par extension, d’affaiblir les anciennes figures du Pds, il imposait une politique de « réduction » des adversaires à une simple expression. Cependant, dans un retournement dramatique de l’histoire, c’est lui-même qui, en exorcisant l’appareil politique libéral, a contribué à l’émergence d’un monstre qu’il a involontairement créé : Ousmane Sonko. En 2016, son éviction de la fonction publique, sous prétexte de divulgation de documents confidentiels, n’a fait qu’alimenter la légende d’un homme luttant contre le système. Cette éjection semble avoir nourri une résilience qui dépasse la simple revanche personnelle : elle a donné naissance à un mouvement politique à part entière, le Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), qui a réussi à accéder au pouvoir en mars 2024. Les résultats des législatives du 17 novembre 2024 en sont l’illustration la plus éclatante. De plus de 100 députés en 2022, l’Apr et le Pds réunis ont vu leur représentation à l’Assemblée nationale se réduire à une quinzaine aujourd’hui. Cet effondrement n’est pas seulement une conséquence directe de l’ascension de Sonko, mais aussi le produit d’une période de stagnation interne, marquée par des figures historiques de l’opposition devenues invisibles ou inaudibles. Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, semble avoir disparu des radars politiques. Idrissa Seck, autre grand nom de la politique sénégalaise, est perçu comme un homme de l’ombre, sans réelle capacité à peser dans le jeu. Le parti de Wade, autrefois bastion de la famille libérale, semble aujourd’hui dissous, incapable de fédérer ses anciens membres autour d’un projet commun. En dépit des alertes de figures comme Serigne Mbacké Ndiaye, qui avaient théorisé un retour à l’unité de la famille libérale, la réalité est toute autre. L’opposition libérale semble désormais unie davantage par ses divisions internes que par une volonté commune de gouverner.

 
« Demackisation » progressive de l’administration
 
Parallèlement, le processus de « demackisation » – ou purge du pouvoir de toute trace de l’ancien président Macky Sall et de ses alliés – suit son cours. Les réformes institutionnelles, notamment l’abolition des structures jugées budgetivores et clientélistes comme le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), ont entraîné une rupture brutale avec les pratiques politiques passées. Bassirou Diomaye Faye, figure clé de cette transformation, poursuit la mission de nettoyer l’administration, redéfinissant les équilibres politiques du pays à la faveur d’un système où les loyautés se redéfinissent. Ce processus a également eu pour effet de neutraliser un certain nombre de personnalités issues des anciennes formations libérales, qui, ayant perdu leurs sièges, se retrouvent désormais hors du jeu. Aujourd’hui, les libéraux sont non seulement politiquement affaiblis, mais aussi financièrement secoués, alors que les ressources qui alimentaient leur machine électorale sont en grande partie dissipées dans les luttes internes et la gestion des déboires judiciaires de certains de leurs cadres. C’est la fin d’un cycle historique, où la famille libérale, telle qu’elle était perçue avant l’émergence de Sonko, a vécu son dernier souffle. Ce sont ses derniers retranchements. 
 

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