Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a décliné vendredi son plan de rupture pour les cinq prochaines années et annoncé qu’il entendait abroger la loi d’amnistie de l’ex-président Macky Sall couvrant les violences politiques qui avaient fait des dizaines de morts entre 2021 et 2024.

 
« Il est impératif d’opérer une rupture d’une profondeur et d’une portée jamais vue dans dans notre pays, jamais vu depuis notre accession à l’indépendance », a déclaré M. Sonko dans son discours de politique générale prononcé devant les députés.
 
Le président Bassirou Diomaye Faye a été élu fin mars au terme de trois ans d’une confrontation avec le pouvoir de Macky Sall (2012-2024) qui a fait des dizaines de morts, selon des ONG et l’opposition d’alors. Il a nommé son mentor, Ousmane Sonko, chef de gouvernement.
 
Une loi d’amnistie à l’initiative de M. Sall avait été votée avant le scrutin pour décrisper une situation devenue explosive. Elle avait permis de faire sortir de prison des centaines de personnes écrouées, dont M. Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko.
 
M. Sonko a annoncé que son gouvernement proposerait « dans les semaines à venir » un projet de loi « pour que toute la lumière soit faite et les responsabilités établies de quelque bord qu’elles se situent » sur ces violences.
 
« Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, encore moins de vengeance. (…) Il s’agit de justice, pilier sans lequel aucune paix sociale ne peut être bâtie », a-t-il ajouté, dans un discours fleuve de quelque trois heures.
 
Ousmane Sonko a décliné sept axes de rupture basés sur une refonte de l’action publique et une croissance endogène, alors que le Sénégal est resté selon lui « enfermé dans le modèle économique colonial »
 
Réforme fiscale
 
Il a aussi annoncé une importante réforme fiscale, en « élargissant l’assiette fiscale, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyen ». L’objectif est de « faire payer moins à tous les Sénégalais, mais faire payer à tous les Sénégalais » pour « parvenir à une fiscalité efficace et équitable ».
 
Le Premier ministre a aussi dit que le Sénégal allait « se retirer de toutes les conventions bilatérales impliquant un paradis fiscal et renégocier les clauses défavorables des conventions conclues avec des Etats à fiscalité normale, lorsque ces conventions (lui) sont défavorables ».
 
Il a par ailleurs annoncé une « rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient essentiellement aux ménages pauvres », ce qui passe par « un ciblage » des bénéficiaires.
 
Malgré une situation économique qu’il avait lui-même décrite de « catastrophique », avec un déficit budgétaire atteignant 10,4% du PIB et une dette publique représentant 76,3% du PIB, M. Sonko « a l’ambition de hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique », a-t-il assuré.
 
Il compte notamment s’appuyer sur les ressources gazières – dont le début d’exploitation sera finalement prévu en 2025, après avoir été longtemps attendu en 2024 -, mais aussi sur la densification du tissu industriel.
 
Il a aussi dit son intention « de s’attaquer à la vie chère » et d’accorder la priorité « à la demande sociale » pour « une meilleure qualité de vie ».
 
Sur le plan militaire, M. Sonko a mis l’accent sur l’annonce faite par le président Faye de fermer les bases militaires de l’armée française, recueillant les applaudissements de l’Assemblée.
 
Réciprocité pour les visas
 
Il a aussi annoncé l’application du « principe de réciprocité pour la délivrance de visas aux ressortissants de certains pays qui l’exigent à nos ressortissants », sans les citer nommément.
 
Concernant l’émigration clandestine, à l’origine de drames presque hebdomadaires sur la route qui mène aux îles Canaries – porte d’entrée de l’Europe -, le Premier ministre a promis « une solution idoine », via « le renforcement des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière en multipliant les contrôles et en renforçant les sanctions, mais également par la promotion d’une migration régulière en partenariat avec les pays d’accueil (…) ainsi qu’un soutien aux initiatives de retour volontaire. »
 
Enfin, il a promis la promotion du « multilinguisme », via « la généralisation de l’enseignement de l’anglais à (l’école) élémentaire et l’utilisation des langues nationales dans le système d’éducation et de formation », dans ce pays où l’enseignement public est dispensé en français.
 
Ce discours de politique générale, très attendu, avait été reporté à plusieurs reprises. Le Premier ministre avait refusé en juin de se présenter devant le Parlement dominé à l’époque par un camp qui lui était hostile.
 
Un nouveau report a eu lieu mi-septembre après la dissolution du Parlement par le président Faye. Les élections législatives du 17 novembre ont été largement remportées par MM. Faye et Sonko, leur donnant une majorité confortable pour mettre en place leur programme.

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