La décision du gouvernement de suspendre à titre provisoire les exportations des graines d’arachide fait débat. Les uns encouragent le régime souverainiste de Pastef pendant que les autres invitent à la prudence. Pourtant, on peut bien se demander si cette année il y aura de la graine à commercialiser. En tout cas, au cœur du bassin arachidier, à Kaffrine précisément, la récolte de l’arachide s’annonce catastrophique.
« On va se contenter de récolter du foin cette année, mais pour les graines, il ne faut même pas rêver », disent presque en chœur les paysans du Ndoucoumane. Espérons que d’autres endroits du pays pourront combler le déficit, même si c’est peu probable au vu de la part de la région de Kaffrine dans la production.
D’ici là, il faut s’interroger sur cette décision du gouvernement. Ces dernières années, la commercialisation de l’arachide s’est faite sans trop de bruit avec l’implantation durable des Chinois. Pourtant, l’exportation des graines n’a pas toujours été facile. En 2018, le Sénégal a été confronté à une mévente inédite de l’arachide. Cette année-là, la Sonacos s’était retrouvée sans sous au début de la campagne. Il a fallu attendre janvier pour que le gouvernement trouve enfin 52 milliards pour la Sonacos, lors d’une visite en Arabie Saoudite du ministre de l’Economie et des Finances.
Mais les 52 milliards étaient loin de suffire à une campagne qui demande beaucoup d’argent. Face aux montagnes de graine un peu partout, le président Macky Sall était obligé de se transformer en agent marketing et commercial, le temps de la visite du président turc, Recep tayyip Erdo?an en mars 2018.
« Nos arachides font partie des meilleures au monde ; la Chine l’a confirmé. Monsieur le Président (Erdogan), je compte sur vous pour demander à vos opérateurs économiques, s’il veulent un bon produit, d’acheter notre arachide avant de rentrer au pays », avait-il supplié.
Une semaine auparavant, Macky Sall avait tendu la main aux Chinois. Profitant du lancement des travaux du port de Foundiougne, l’ancien président avait sollicité l’intervention du diplomate chinois à Dakar auprès des opérateurs économiques de Pékin. « L’agriculture est un sujet qui nous intéresse tous et nous avons l’occasion d’avoir l’ambassadeur de Chine avec nous. Je viens de lui parler, avec son conseiller commercial, pour inviter les entreprises chinoises qui s’intéressent à notre arachide à avoir une participation plus active dans la campagne de commercialisation de l’arachide », disait Macky Sall.
Pourtant, c’est le président Sall qui avait décidé, la même année, d’une taxe à l’exportation de 40 f sur le kilogramme décortiqué et 15f sur le kilo en coque. Une taxe à laquelle il a dû renoncer très rapidement. Mais lorsque la situation est redevenue favorable, Macky Sall a introduit à nouveau cette taxe en 2020, cette fois-ci à raison de 30 f le kilo. Et les Chinois sont plus que jamais présents, peut-être même trop présents avec des unités implantées un peu partout dans le pays.
Comme quoi, l’exportation des graines est un rapport de force. Le gouvernement doit s’assurer d’avoir tous les atouts de son côté. Et ceci commence par une fixation des prix assez tôt (ça devait déjà être le cas) et surtout un financement suffisant à la fois pour les privés et la Sonacos qui bizarrement est restée silencieuse jusqu’ici.