Ils sont parfois oubliés parmi les acteurs qu’emploie le secteur des médias, notamment la presse écrite. Ils sont infographistes, machinistes et laborantins, artisans des journaux imprimés que l’on lit au petit matin en dégustant le café. Pourtant, la crise économique que traverse la presse sénégalaise ne les laisse pas de marbre. Quel est le processus de l’impression des journaux ? Comment passe-t-on de l’envoie des pages à l’impression des journaux ? Dans quelles conditions travaillent-ils ? L’équipe de l’imprimerie Africom a ouvert à Seneweb ses portes. Reportage… En cette nuit de fraîcheur, il a fallu marcher le long d’une petite allée mal goudronnée et obscure par endroit, des coins bourrés de malfrats, nous dit-on. Il ne reste plus que de petits hangars, des tas de palettes et des véhicules à la manœuvre. Minuit est passé de quelques minutes, ce soir de fin novembre 2024, le fracas des machines bruyantes de l’imprimerie Africom étourdit non habitués à cet espace. Situé derrière le journal «Le Soleil» au cœur d’une petite forêt, ce lieu accueille une vingtaine  de journaux à imprimer tous les jours. Les agents, eux, travaillent dans l’ombre. Lunettes bien vissées, regard attentionné et fixant l’ordinateur, Amar Diallo s’occupe méticuleusement de la correction des pages de journaux qu’il reçoit pour l’instant au compte-goutte. L’infographe n’a reçu que deux des 18 éditions en moyenne imprimées quotidiennement. Cette tâche intellectuelle commence à blanchir les cheveux de cet homme au teint clair. En effet, son rôle est d’apporter les dernières corrections de couleur et d’orthographe sur les différentes pages des quotidiens avant leurs passages au laboratoire. Pour ce travail qu’il juge fastidieux, il faut à peu près 30 à 45 minutes. « Je suis en quelque sorte le contact direct entre les rédactions et l’imprimerie. C’est un travail stressant et chaque jour est différent de l’autre. Puisque les journaux sont nombreux, il faut un traitement spécifique à chaque quotidien selon les corrections à faire, surtout quand il y a des articles reçus tardivement qui doivent être insérés dans le journal», explique celui qui boucle 17 ans d’expérience dans cette imprimerie.
Au même moment, au laboratoire, M. D (nom d’emprunt), de ses mains habiles et expertes, placent les papiers  sur des plaques aluminium offset qui permettent d’imprimer les textes et les photos sur le papier. Chaque plaque est assignée à une couleur et ne peut contenir que quatre (4) pages. « Je superpose les pages selon les codes couleurs (noir, bleu, rouge, jaune) », signale-t-il, occupé à la tâche. « Après cette étape, nous plaçons la plaque au niveau de l’«insoleuse» constituée de rayons UV, de minuteur et d’un système permettant de faire le vide autour de la plaque à insoler. C’est cette machine qui permet de reporter les motifs dessinés (textes et images) », ajoute notre interlocuteur. Lorsque tout est prêt pour impression, les plaques sont placées dans la presse rotative. Les machines se mettent en place. L’impression lancée, le papier défile comme un long ruban à toute vitesse dans la presse rotative d’une machine qui fait environ 30 mètres de longueur. Sur le qui-vive, le machiniste Mamadou Diallo, dit Papis, visage dégoulinant de sueur, fait des allers retours pour s’assurer que les papiers sont bien enroulés. « Si je ne fais pas cette vérification, l’impression ne sera pas bonne et on sera obligé de reprendre. Et cela prend du temps », dit-il en criant presque pour se faire entendre dans cette pièce bourdonnante. Chaque couleur est imprimée une après l’autre des deux côtés du papier avant de circuler dans un séchoir qui permet de fixer l’encre sur le papier. C’est une lame insérée dans la machine qui est chargée de séparer les 8 ou 12 pages des journaux. Pour imprimer 1500 exemplaires, il faut à peu près maximum 20 minutes selon la vitesse de la machine. « Si la machine est de qualité avec un moteur neuf, on peut même imprimer 1500 exemplaires en 10 mn s’il n’y a aucun couac technique », explique Papis Diallo.
Impact de la crise que traverse la presse écrite
Cette imprimerie qui emploie une trentaine de professionnels selon Ousmane Sy, responsable de l’imprimerie Africom, n’est pas à l’abri de la crise économique que vivent les médias notamment la presse écrite. « Avant, certains quotidiens pouvaient imprimer jusqu’à 15000 voire 20 000 exemplaires par jour. Maintenant, le plus grand tirage que l’on fait est limité à 3000 exemplaires. Et il n’y a que deux ou trois journaux qui font ce tirage. Sinon, les autres journaux impriment entre 1500 et 2500 exemplaires », révèle M. Sy.
Une baisse du nombre de tirages qui affecte directement le chiffre d’affaires de l’entreprise et par ricochet, les employés.  « Nous sommes les travailleurs de l’ombre dans le secteur de la presse mais négligés. Nous travaillons dans la précarité et la crise économique qui secoue le monde des médias notamment la presse écrite n’arrange pas les choses », regrette un des employés de l’imprimerie.
Dans cet endroit rempli de rouleaux à papier, de machines, d’engrenages, d’encres, symbole de l’ancienne époque… Le gros du travail se fait entre 2h et 5h du matin. C’est durant cet intervalle que défile un maillon important de la chaîne que sont les distributeurs des différents journaux. En effet, chaque quotidien est représenté par son distributeur. Arona est le premier à superviser l’impression de son quotidien.  « Je suis chargé de superviser l’impression de mon journal en l’occurrence le quotidien Rewmi. Je suis également chargé de la vérification de la qualité du papier imprimé, du nombre d’exemplaires tirés et de distribuer les journaux aux revendeurs en fonction du quota de chacun », affirme le distributeur qui attache ses journaux dans sa moto. Au fil des minutes, les représentants des quatre canards se présentent et un temps record, beaucoup de véhicules décorent la devanture de l’imprimerie. Les travailleurs, eux, défient les machines, dans cette atmosphère qui agresse l’ouïe au quotidien. Un travail épuisant avec d’innombrables efforts mais qui fait face à une crise. Laquelle provoquée par la numérisation, en vertigineuse avancée, risque de faire disparaître cette activité.   

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