Entre Dakar et Paris, une guerre des mots semble s’intensifier ces derniers jours, un duel verbal où les termes militaires sont plus que jamais de mise. Cette montée en tension n’a rien de surprenant. Au contraire, elle est le reflet des divergences profondes qui existent entre le Sénégal et la France en matière de politique étrangère. La guerre des mots a pris un tour décisif, renforcée par l’écho d’événements marquants comme la commémoration du massacre de Thiaroye, une plaie toujours ouverte dans l’histoire de la colonisation française. Après ces cérémonies empreintes de regrets et de revendications, le gouvernement sénégalais a pris une position forte : la demande du retrait total des troupes militaires étrangères du territoire sénégalais, un point déjà largement défendu par Ousmane Sonko, actuel Premier ministre. Ce dernier a, depuis longtemps, porté la voix de ceux qui appellent à une rupture avec la France et ses anciennes pratiques coloniales. Ce discours a trouvé un écho encore plus important lorsqu’il a été réitéré par le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, dans son discours du 31 décembre dernier, où il a clairement exprimé la volonté du pouvoir sénégalais de se détacher de cette présence militaire. La France, bousculée dans ses anciennes zones d’influence, se voit confrontée à une remise en question de son rôle et de sa légitimité sur le continent africain. D’anciennes colonies comme le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Tchad, pour ne citer qu’elles, redéfinissent leurs relations avec Paris, souvent au détriment de l’ancienne puissance coloniale. La question de la présence militaire française en Afrique, qui fait débat dans de nombreux pays, est aujourd’hui au cœur de la discorde entre Sonko et Macron. Le président français, dans ses déclarations récentes, a insisté sur le fait que les pays africains devraient lui adresser un « merci » pour les sacrifices de la France pendant les luttes pour l’indépendance. Une position qui, loin de convaincre, renforce l’idée d’une relation néocoloniale où la France semble attendre une reconnaissance pour son passé impérial. Cette attitude heurte particulièrement Ousmane Sonko, qui incarne la nouvelle Afrique, une Afrique qui entend prendre son destin en main, libérée du poids du passé colonial. Pour lui, l’histoire de la France en Afrique est bien plus douloureuse que cette vision idéalisée qu’Emmanuel Macron tente de promouvoir. La guerre des mots entre les deux hommes reflète des visions opposées de l’histoire, du présent et de l’avenir des relations franco-africaines. D’un côté, un Macron qui veut conserver l’influence de la France en Afrique, de l’autre, un Sonko qui incarne la révolte des jeunes générations africaines, en quête d’indépendance totale et de respect de leur souveraineté. Les mots sont lourds de sens et ils s’inscrivent dans une période cruciale pour l’avenir des relations entre la France et le Sénégal, mais aussi entre la France et l’ensemble du continent africain. Les mois à venir seront déterminants. Ils pourraient marquer un tournant décisif dans les rapports entre Paris et ses anciennes colonies. Alors que la France perd progressivement du terrain en Afrique, la question se pose : comment cette relation complexe, marquée par des siècles de domination et de dépendance, évoluera-t-elle ? Ce face-à-face symbolique entre Sonko et Macron ne concerne pas uniquement le Sénégal, mais bien l’ensemble du continent, qui semble prêt à redéfinir son avenir, loin des ornières du passé colonial.